Le cèdre bleu
On
n’emmaillote pas un résineux, il est sensé affronter bravement les intempéries.
Quand
il a reçu sa première neige, j’avais le cœur battant. Il me semblait si tendre
et fragile.
Mais
il était debout et droit, fort joliment décoré par des poignées de blancs
cristaux égarés sur ses branchettes. Il parait que c’est un manteau protecteur
contre la froidure nocturne. Bref, nettoyé de frais il n’avait jamais été aussi
beau qu’au printemps naissant qui suivit.
C’est
un exercice apaisant. Rassurant même, d’imaginer la grosse racine pivot qui le
maintient enfin bien droit; et de deviner les radicelles qui fouillent et
s’installent alentours.
Nous avons enfin la certitude qu’il n’est pas
malade et qu’il apprécie notre bout de jardin. Suis-je trop imaginative ?
Je suis persuadée qu’il ressent notre affection : le rituel de sa visite
est imprimé dans l’esprit des quatre membres de la famille.
Il a passé l’âge du piquet signalétique.
Oui
celui que l’on place en tremblant un peu car le conducteur de la tondeuse a
parfois la tête ailleurs, et pas toujours les yeux au ras du sol enherbé.
Notre
petit dernier s’émerveille : il a vu la plantation du gracile conifère, qu’il
aurait pu briser par mégarde sous sa sandale en jouant. Et maintenant ils
luttent tous deux pour se dépasser de plusieurs centimètres.
Une
autre étape marquante, à mon sens est la venue d’un premier oiseau sur l’arbre.
J’ai vu la branchette réagir et pencher légèrement quand le pinson s’est
perché. On ressent un instant de bonheur lors de cette complicité naturelle.
En
effet il y a plusieurs années en arrivant nous avions planté nos frontières
dans un bout de champ de céréales. L’air était parfumé par les récoltes de blé,
le tapis vert incitait à jouer moelleusement, mais il manquait quelque chose :
aucun chanteur emplumé n’avait trouvé de refuge dans ce terrain désespérément
plat.
C’est
pourtant la trace humaine souhaitable entre toutes : planter un arbre qui
abritera les oiseaux et nos rêves. Alors on sent le cycle de la nature en
boucle harmonieuse quand l’écorce s’est approchée de la plume.
Notre cèdre avait donc sifflé silencieusement le rassemblement des
mésanges et pinsons. Il s’est trouvé adopté par la faune qui avait fui le
désert.
Les
chants matinaux sont de tous les plus beaux.
Nous
étions quatre à notre arrivée, nous grimpons à cinq en pleine adolescence du
cèdre.
Bébé
brinquebalant aime le jardin et promène ses fossettes autour du cèdre. Voit-il
en lui le futur seigneur du jardin ? Il n’a pas tort.
Déjà,
il ne pourra jamais comme son frère lutter avec sa croissance. Mais il est
entreprenant. Levant la tête il déclare, assez jeune, qu’il va cohabiter avec
l’arbre. C’est à peine s’il accepte notre proposition de l’aider. Il va
attendre de prendre assez de force pour se construire une petite cabane. Avec
une patience rare à son âge il guette la croissante des branches pour faire un
abri solide, et bien conçu.
Mais
nous l’aidons aussi à endurer le poids des années passant trop lentement à son
gré.
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