dimanche 16 octobre 2016

Le cousin de Mathilde - partie 6

Le cousin de Mathilde -partie 6 


     Pour en revenir à notre broderie, je suis stupéfait par les détails techniques sur les attelages des chevaux. Penser qu’à l’époque les incas ignoraient l’usage de la roue, même s’ils étaient talentueux dans d’autres domaines ; et là on remarque la complexité des systèmes employés. Les archéologues ont réussi à mettre à jour les connaissances d’alors. L’époque romane est loin d’être barbare et obscure.
Le blond normand détaille la tenue des soldats ‘ ils portent des cottes de mailles, c’est un travail de métal assez délicat ‘…
— Loin de moi l’idée de te contredire, mon bon cousin. Une étude récente des costumes guerriers nous apprend qu’il s’agit plus exactement de broignes.
Ah, mais cela ressemble à notre nom de famille !
— C’est vrai, ce vêtement a donné sûrement notre nom, tu l’as bien deviné. Le travail pour réaliser cette protection du corps était assez important, chaque écaille étant cousue sur le cuir ou le tissu ; mais le résultat était plus léger qu’une cotte, c’était avantageux pour les combattants.
J’imagine les dessinateurs parcourant le même chemin que l’armée de Guillaume pour que la reproduction soit exacte. Les monuments sont fidèles. Même les occupations quotidiennes sont riches d’enseignement sur les outils.
Le couronnement d’Harold est un moment fort de ce journal vivant. La bataille de Hastings est un morceau de bravoure aussi. On voit même le souci de représenter des arrière-plans dans certains tableaux. Symboliquement la perspective commence à travailler l’esprit des créateurs.
Arrivé au bout du rouleau c’est encore Harold, après sa trahison qui termine le récit, tragiquement, c’était prévisible.
Le cousin de Mathilde est à la fin du voyage rêvé :
— En quelques heures, je me suis approché de l’intimité de ces personnages. Merci, mon cousin, tu as tenu parole, merci. J’aurai bien fait encore du chemin le long de cette histoire. Prolonger les soixante-huit mètres, juste encore un petit bout.
Il reste devant la fin de la fresque et fouille dans sa poche :
— Me croiras-tu ? Regarde, cette photo, elle est abîmée, car elle date de mille huit cents et quelques et elle ne paie de mine. Je suis assez ému de la posséder et hanté par ce petit carton que j’ai sauvé de la chaudière dans la vieille maison de nos aïeux, au Canada. Un gros nettoyage qu’elle faisait la famille. Et je l’ai vue, cette photo de la reproduction d’un dessin ancien. Elle est un peu floue mais frappante de parenté avec l’ouvrage là sous nos yeux. Personne n’a pu me dire comment, ou par qui elle était venue dans la demeure familiale.
Mais je me plais à croire que nos ancêtres Broignart émigrés sous Louis XVI y sont pour quelque chose.
Avec le couronnement du roi Guillaume en apothéose, tu as sous les yeux ce qu’il n’est plus possible de contempler : le dernier fragment perdu de la broderie de la reine Mathilde.

FIN

2 commentaires:

  1. C'est un plaisir de relire cette nouvelle (puisque j'avais eu la chance de la lire "hors ligne" il y a quelques semaines).
    La liste de mots était vraiment hétéroclite, tu as du galérer pour les incorporer ! Si j'ai un reproche à faire, c'est qu'il y a au début de la nouvelle un léger travers de faire la définition des mots qui semblent un peu hors contexte, mais tu as réussi à intégrer ça plus naturellement sur la suite du récit qui en devient fluide.
    J'apprécie aussi que tu publies des extraits plus larges. Pour moi, cette nouvelle est idéalement distribuée (j'aurais peut-être même encore réduit à 4 parties, personnellement, mais tout le monde n'aime pas forcément lire de gros pavés).
    En tout cas cette lecture me donne envie de me pencher à nouveau sur la tapisserie de Bayeux, les souvenirs du collège sont bien lointains... Continue de nous donner envie d'élargir nos horizons !

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  2. Merci beaucoup de ton impression générale, c'est important de savoir comment on est perçu.
    La liste était vraiment hétéroclite et j'ai senti la nécessité d'aider à la compréhension de mots inconnus sous nos latitudes.
    N'est-ce pas fascinant d'entrouvrir une fenêtre sur la vie quotidienne de nos ancêtres ?
    La partie manquante de la tapisserie est hélas un fait réel ; mais on peut se sentir heureux d'avoir cette oeuvre même incomplète car elle a failli disparaître.

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